Antony Merle des Isles, d’où vous vient cette passion du dressage ?
Elle est venue lentement en compagnie des chiens de chasse de mon père, Setters Gordons et Pointers, dès ma plus tendre enfance. Mes traces dans les siennes remontent à la chasse à la bécasse, sa passion pour les Field-trials de printemps en particulier, sa façon de me faire vivre ses meilleurs moments partagés entre les actions de ses chiens et la beauté de leurs attitudes. J’y ajoute aussi sa fierté de chasser avec un Trialer ou un Champion, dont les souvenirs apporteront beaucoup d’émotions en se remémorant le jeune temps.
Quelles ont été vos autres influences ?
J’ai suivi Jean Claude Piat tout gamin. Le but était de lui éviter les contre marches parce que le dressage nécessite de marcher toujours dans le vent. Ainsi je suis passé de la contemplation à l’action, grâce aussi aux stages chez Nicolas Bonneterre qui m’a fait découvrir la Grande Quête où il faut allier la discipline à une forme physique nécessaire.
Quand et comment décelez-vous le potentiel de chasse d’un chien ?
Le chien confié au dressage est amené directement sur le terrain. Il sort du véhicule, il est lâché. Je lui apprends à quêter correctement, à tenir l’arrêt ferme et à être sage à l’envol et au coup de feu. Il n’y a vraiment que le rapport qui est appris dans un coin du jardin. Dès que possible je me rends dans une chasse pour tirer du gibier et ainsi permettre aux chiens de progresser plus vite, la compréhension pour le chien est donc rapide. C’est la recette de Jean Claude, que j’ai un petit peu modulée à ma façon. L’objet de mon travail est de trouver les qualités naturelles du chien et de les exploiter à son profit. Si l’on peut parler de méthode, je demande au propriétaire qui m’a confié son chien pour un dressage de chasse pratique de venir le voir pendant le dressage pour suivre son évolution et lui donner mes instructions pour lui passer le relais quand il sera seul avec lui. C’est une partie importante de mon métier car si je trouve que dresser est relativement facile, il est plus compliqué de transmettre au propriétaire les bonnes manières en fonction du chien qu’il possède.
Quelles sont les races avec lesquelles vous affectionnez particulièrement de travailler ?
Je n’ai pas de race préférée et je serais bien triste de n’avoir qu’une seule race à entrainer quand j’arrive sur mon terrain de dressage. Je présenterai un chien dans n’importe quelle race à condition qu’il soit bon. Je pense aussi qu’un dresseur polyvalent a une meilleure approche du dressage dans son ensemble sachant que chaque chien est différent et chaque race également. Il a des chiens faciles à dresser dans toutes les races et d’autres qui le sont moins. J’ai le plaisir, étant dresseur polyvalent, d’avoir une bonne approche du dressage car chaque chien dans une même race est différent.
Que pourriez-vous dire de l’association faite avec Jean Claude Piat ?
Cette association répond à la sagesse d’une complicité entre hommes avertis. Il faut dire qu’étant fils d’un juge de travail et gendre d’un dresseur de renommée, j’avais de bons atouts dans les mains pour commencer. Bien sûr, ma passion d’observateur m’a bien aidé, mais les ficelles du métier enseigné par des hommes de terrain ne pouvaient que m’améliorer.
Quels sont vos objectifs pour les années à venir ?
J’ai envie de tout. J’aime les grandes compétitions malheureusement on ne peut pas tout faire en abandonnant une partie de l’équipe qui mérite aussi de s’exprimer. Il faut faire des choix et les grands moments se chevauchent souvent. Je m’étais contenté de la France et de l’Espagne mais je viens de découvrir la Serbie cette année… je suis encore sous le charme d’une qualité de terrains et d’une population de perdreaux importante permettant une approche plus rapide sur le comportement des chiens Pour le moment je présente dans les races continentales et britanniques en quête de chasse. La Grande Quête me fascine mais elle est incompatible avec ce que je fais actuellement, je ne dis pas que je n’y viendrai pas un jour.
Quelles préparations pour la chasse et la compétition conseillez-vous ?
Le dressage pour les Fields est plus pointu que le dressage pour la chasse et il faut plus de temps. Je conseille toujours à mes clients de sortir leurs chiens à la chasse. Ensuite je prends le relais pour dresser le chien à la chasse ou au Field. Quand un chien arrive chez moi, dès le mois de mai pour le dressage à la chasse, je l’éduque pour la chasse pratique. Si je décèle chez lui des aptitudes qui pourraient correspondre à celles des Fields, je demande au propriétaire s’il est partant pour que son chien soit testé dans les grands espaces andalous.
Ou est-il plus aisé d’entrainer ?
Pour les Fields, j’ai connu l’entrainement uniquement en France. Il n’est plus possible maintenant à cause d’un manque de végétation, du froid et des densités aléatoires de perdreaux d’une année sur l’autre. L’Espagne est devenue une terre d’accueil pour un grand nombre de dresseurs grâce à son climat, à la hauteur des blés et à sa densité importante d’oiseaux sauvages. Plus le chien est mis en présence, plus les occasions de le faire progresser s’offrent au dresseur. Si une année n’a pas été providentielle pour la reproduction, il reste encore assez de gibier pour pouvoir travailler correctement. De retour en France avant les concours, quelques jours suffisent pour passer du perdreau rouge au perdreau gris et pour faire admettre aux chiens que les lièvres sont souvent présents en quantité importante. Il reste à attaquer les concours du début de printemps dans la foulée. C’est en Seine et Marne, grâce à l’accueil toujours chaleureux d’un ami agriculteur et de son fils, que les choses sont rendues possibles et existent toujours. Si la chasse perd de ses adhérents et que son avenir risque d’être compromis, je pense que celui des Fields l’est moins car en concours de printemps aucun gibier n’est tué. Il n’y a vraiment que si le perdreau venait à se raréfier que cela poserait un problème. Enfin, je regrette que les titres obtenus à l’étranger ne soient pas encore validés en France pour l’homologation des champions étrangers, ainsi le panel des champions serait plus élargi.