L’EPAGNEUL BRETON

Ceux qui connaissent cette région savent qu’on y trouve tous les biotopes : La plaine autour de Caen, le bocage dans la Manche et dans l’Orne, les marais du Cotentin et du Bessin, des bois et forêts répartis sur les 3 départements et… la Suisse Normande, nos montagnes à nous !! Le Mont Pinçon culmine quand même à 362 m d’altitude, impressionnant!! Bon, Ok, j’enlève la montagne. Donc si on excepte la montagne, on a tous les biotopes et il me faut donc un chien très polyvalent qui me permet d’aller chercher les compagnies de gris en plaine, qui n’a pas peur d’aller se frotter aux ronces de nos haies pour y trouver les faisans, qui sera suffisamment malin pour déjouer les ruses de Dame bécasse et qui aura le pif assez fin pour arrêter les bécassines au marais.

Il y a un type qui a dit que la fonction crée l’organe et certainement un autre le contraire, mais comme ça m’arrange on va partir de la construction de ce chien. Il est petit, mais il est fort, entendez costaud, trapu, résistant ; il a le poil long et l’oreille courte… mais non je ne parle pas d’un talonneur célèbre !!! Quoique, puisqu’on parle du lien entre physique et fonction, la comparaison reste intéressante. Ce physique, qui permet d’avoir un chien courageux, opiniâtre, persévérant, volontaire… lui permet d’affronter sans ciller les ronces, l’eau des marais au cœur de l’hiver et la boue de la plaine qui colle aux pattes.

Rien d’étonnant à tout cela, ce chien a été créé par mes voisins bretons et plus particulièrement du centre Bretagne où on trouve comme chez moi tous les biotopes. Il est né du croisement des épagneuls du pays chassant tout, avec des setters, springers, pointers que de riches anglais laissaient en pension entre deux séjours de chasse. De ses ancêtres locaux il a gardé la pétulance, la malice, la roublardise, le côté « grouillant » et braco ainsi qu’un peu de granit dans la tête. Des lords britanniques, il a gagné en nez et sûreté d’arrêt.

Une race polyvalente

On peut retourner le problème pour s’assurer du bien-fondé du raisonnement : Je veux créer une race polyvalente (dans le sens noble du terme : qui fait tout très bien et pas à moitié). Réfléchissons ensemble :

- grande taille ou petite taille : plutôt petite ça passe partout

- poil long ou poil court : poil long, ça le protège du froid et des ronces. Pas trop long non plus pour ne pas nécessiter d’entretien spécial.

- rapide ou lent : rapide, il explore

- trapu ou frêle : trapu, il faut qu’il soit résistant et dynamique à la fois - oreille courte ou longue : courte, inutile qu’il se blesse dans les ronciers

- Queue courte ou longue : courte pour les mêmes raisons que ci-dessus

A part pour le dernier critère… si vous vous reconnaissez dans cette description, ne le prenez pas mal, vous êtes un celte!Si vous y reconnaissez votre chien, vous avez probablement un épagneul breton, car en d’autres termes on vient d’écrire l’essentiel du standard de la race!

A ce point, nous avons un chien costaud, dynamique, résistant et qui passe partout. Plus proche du 4x4 de rallye raid que de la Ferrari ou de la grande routière. Pas mal !Pour aller à la chasse je préfère prendre mon 4x4 que ma Ferrari (ça tombe bien je n’ai pas de Ferrari!).

Mais est-ce qu’il chasse ?

Oh que oui, un grand dresseur a dit un jour « ce chien pue la chasse ! », interprétez dans ce cas le verbe puer comme sentir beaucoup. C’est vrai qu’il vit la chasse, qu’il est bouillonnant, qu’il est actif… et surtout malin !

Il a sans doute gardé de ses ancêtres bretons un bon morceau de ce côté braco recherché alors. A cet état d’esprit ajoutons un nez fin et un arrêt ferme et nous avons un auxiliaire précieux pour la chasse.

Deux anecdotes vraies en passant pour illustrer ceci :

Deux amis chassent ensemble, l’épagneul breton d’un des deux se met à l’arrêt devant un petit tas de bois, l’arrêt dure et rien de ne se passe, le chien coule, coule, au point de se retrouver à l’arrêt sur le tas de bois ??? Puis dans une crise se met à saisir les morceaux de bois un à un pour les éparpiller laissant nos deux nemrods dubitatifs. Peu de temps après, le lapin sortait du tas de bois comme une balle sans qu’aucun ne pense à le tirer !!Lors d’un field trial sur bécasse, une chienne marque un arrêt au bord d’un talus au sein d’une forêt, se débande, fait un sprint de 25 mètres et se bloque de nouveau, puis recommence, une fois, deux fois… son conducteur et le juge s’époumonent à essayer de suivre l’action au plus près malgré les branches tombées qu’il faut enjamber et les branches de sapin qui leur fouettent le visage, mais le manège reprend ; c’est sûr, la bécasse piète devant ! D’un coup, la chienne saute le talus et part ventre terre 100m en avant puis repasse le talus pour revenir à fond face au conducteur et au juge. A quarante mètres d’eux, elle se bloque net (arrêt typique de l’épagneul breton), la bécasse volera 2 m devant le nez de la chienne à l’arrivée du conducteur et la chienne sera sage à l’envol et au feu. Le CACT lui sera attribué.

Des anecdotes de ce style, je pourrais vous en raconter des dizaines, elles montrent à quel point ce chien est passionné et chasseur, l’un démontant un tas de bois pour trouver son lapin, l’autre comprenant que la bécasse aura toujours de l’avance ou qu’elle volera et décidant de changer sa stratégie.

A tire personnel, c’est ça qui m’a fait venir à cette race, ce sens de la chasse et le côté très expressif de ce diable de petit chien. J’ai grandi au derrière des setters et pointers paternels et j’en garde d’excellents souvenirs ; le côté félin du setter, la musculature saillante lors de l’arrêt cataleptique du pointer resteront à jamais dans ma mémoire. Mais j’aime mes diablotins, sans doute aussi parce que comme eux je ne suis pas très raisonnable. Si vous aimez les chiens qui récitent leurs gammes sans passion excessive, les chiens incapables de déranger l’ordonnancement millimétré d’une grande chasse, les chiens avec une quête parfaite sans initiative, ne prenez pas un épagneul breton car il a les défauts de ses qualités et les qualités de ses défauts.

A la chasse, c’est un chien infatigable, capable d’aller chercher au plus profond de ses réserves. Son côté cabochard (j’aime à dire qu’il a un brin de granit breton dans la tête), sa passion, son avidité, sa polyvalence sur tous les terrains face à tous les gibiers, son arrêt de marbre (ou de granit !) son patron et son rapport souvent naturels en font un merveilleux compagnon de chasse, toujours en activité, toujours bouillonnant. Ces qualités peuvent parfois l’amener à « pousser le bouchon un peu trop loin » et faire une vraie belle bêtise qu’il faudra sanctionner. Mais que d’oiseaux trouvés par son intelligence et son sens de la place que vous n’auriez jamais vus avec un chien à la quête méthodique, réglée, voire monotone.

Bref, si vous aimez un chien pétillant, vif, endurant, qui cherchera à vous faire plaisir et vous procurera de beaux frissons, prenez un épagneul breton. Si au contraire vous préférez un chien parfaitement « régulier » et à la quête réglée à jamais, choisissez une autre race. Car notre énergumène est un celte et il doit pouvoir sortir une énormité en faisant un clin d’œil de temps en temps… « Ceux qui ne s’amusent pas ne sont pas des gens sérieux », j’aime à penser qu’il en va de même pour les chiens !C’est certainement ce côté blagueur et goguenard qui fait dire à certains qu’il est têtu (comme un breton). De mon point de vue, c’est une erreur. J’ai chassé avec pas mal de chiens et je ne trouve pas l’épagneul breton plus têtu qu’un autre. Simplement parfois sa passion déborde et il faut le rappeler à l’ordre. Mais j’aime mieux ça qu’un chien timide qu’il faut encourager en permanence.

Un chien facile à éduquer

L’éducation des épagneuls bretons se passe bien et sans histoire, c’est un dur au cœur tendre ! Il saura se faire aimer de toute la famille, il est doux avec les enfants qui apprécient souvent ses pitreries et Madame aimera ce petit chien qui ne prend pas grand place et ne renverse rien avec sa queue. S’il a été bien éduqué, il sera aussi calme à la maison qu’il est débordant d’énergie sur le terrain. Sa santé ne pose pas de problèmes particuliers, il est d’une race rustique. Son entretien non plus, un coup de brosse quand il est sec et c’est tout. Si vous n’avez jamais eu de breton, vous êtes en train de vous dire que j’en rajoute, que je ne suis pas objectif. Je ne le pense pas. Il y a des grands chiens dans toutes les races et celui qui dirait le contraire serait au mieux un imbécile. Mais comme je l’ai dit en introduction, je pense qu’il faut utiliser le bon outil en fonction de ce que nous avons à faire. Nous parlons là d’une race française parfaitement adaptée à la chasse en France et dans tous ses biotopes ! Les setters et pointers ont été créés dans les pays britanniques pour chasser dans les moors écossais où la végétation est haute et où on voit le chien à 500m… ils ont des grandes pattes pour passer au-dessus de la végétation et aller loin, leurs queues et oreilles ne risquent pas de s’abimer dans les ronces, il n’y en a pas. Et ils sont d’une construction légère, le sol est fait de mousse, c’est parfait pour les sprinters qu’ils sont. Alors si vous chassez uniquement le perdreau en plaine et seul, que vous acceptez qu’un chien tourne loin de vous, prenez un chien britannique. Vous pratiquez d’autres types de chasse ? Certes on peut les contraindre pour les adapter, réduire leur quête à coup de collier électrique comme je le vois souvent ou entendre des âneries du type « Il chasse bien, mon setter, il ne va jamais à plus de 30m ! »… Désolé Marcel, mais c’est tout sauf un setter !

La cynophilie par les preuves. Parce que c’est bien beau tout ça, êtes-vous en train de vous dire en vous grattant la tête, mais ce gars-là je ne le connais pas et p’têt bien qu’il me raconte des conneries !

Ne bougez pas, on va arranger ça ! Il y a des épreuves faites pour sélectionner les meilleurs chiens de chasse, on les appelle fields trial. Certains empêcheurs de tourner en rond vous diront que ce n’est pas comme à la chasse, que ceci, que cela ! Il n’empêche que les chiens y sont jugés sur le même terrain, sur le même gibier et par le même juge. Ça me semble quand même plus fiable que Roger au bistrot le dimanche après la chasse et entamant son huitième pastis qui éructe « Sûr qu’y a pas meilleur que mon chien dans tout le département !! ». N’en déplaise aux esprits chagrins.

Un chien facile à éduquer

Tous les ans, des épagneuls bretons se classent sur la plus haute marche sur tous les gibiers et dans toutes les disciplines : Perdrix de printemps en plaine, bécassine au marais, bécasse dans les bois, faisan dans les landes ou dans les betteraves et coqs de montagne… à la montagne.

Giani du Mas d’Eyraud

Un chien actuel illustre à lui seul cette polyvalence, il s’agit de Djazz de la Plume Picarde dont le producteur est Dominique Alexandre et le propriétaire et conducteur Roger Georges, voici son palmarès :

- Champion des Fields Trials d’Automne (gibier tiré)

- Champion des Fields Trials de Printemps (perdrix) Champion des Fields Trials Gibier Naturel (perdrix et faisans naturels)

- Champion des Fields Trials Gibiers Sauvages (bécasse, bécassine)

- Champion de la Race en 2011 et 2015

- Champion de Travail

- Champion International de Travail

- Champion par équipe de la Coupe d’Europe des Continentaux 2012

Pour les initiés : A ce jour, Djazz a remporté en couple et solo 51 CACT et RCACT (assortis de 15 CACIT ou RCACIT) dans toutes les disciplines de field trial.

Alors définitivement oui, il est polyvalent !L’épagneul breton est-il mieux représenté sur les podiums en France ?

Oui, il l’est ! Pendant plusieurs années consécutives, c’est un épagneul breton (et pas toujours le même) qui a raflé le titre de Vainqueur ou Vice Vainqueur de l’Open de France tant au printemps qu’en automne. Lorsqu’on sait que cette épreuve est réservée aux meilleurs chiens d’arrêt continentaux, je pense que ça permet de répondre sans doute à la question (l’open existe aussi pour les Britishs)

L’épagneul breton a-t-il la capacité de gagner à l‘international ?

Oui, il l’a !

Que ce soient les Coupes d’Europe des Continentaux ou les championnats d’Europe, notre breton fait merveille et on ne compte plus les titres mondiaux qu’il a raflés à plus grands que lui ! D’autant qu’il existe aussi dans de très nombreux pays des épagneuls bretons qui montent aussi, pour leur pays, sur la plus haute marche.

En effet, ce chien est bien représenté partout dans le monde, car à l’aise sur tous les terrains et tous les climats, il sait s’adapter pour réussir en Laponie sur les Tétras aussi bien qu’au Maroc sur les Gambras. Pour illustrer mes propos, sachez qu’il existe plus de 20 Clubs de l’épagneul breton dans autant de pays et qu’il existe même une structure internationale, l’Amicale Internationale des Clubs d’épagneuls bretons (AICEB) qui regroupe, moyennant certaines conditions -(affiliation obligatoire à la société canine nationale elle-même affiliée à la FCI), des Clubs européens mais aussi d’Asie et d’Amérique du Sud.

Ce succès est certes lié aux qualités propres de ce chien, mais également à la politique mise en place par le Club de l’épagneul breton (CEB) en France. Nous sommes le pays « berceau de la race » et avons donc une grande responsabilité nationale mais aussi internationale pour maintenir « le breton » à son niveau de qualité actuel. Je laisse la parole à mon ami Pierre Floiras pour vous parler du Club, mais non sans vous rappeler le célèbre adage « L’épagneul breton : un maximum de qualités dans un minimum de volume »