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Si vous envisagez de participer un jour à des concours de gibier tiré, nous vous conseillons vivement d’effectuer ce travail et ce, pour deux raisons : tout d’abord, votre chien doit rapporter à chaque fois que vous l’exigez car il serait dommage de manquer un classement pour un refus de rapport ; ensuite, à cause du rapport qui se fait à froid, ce qui peut rebuter certains sujets. Nous avons volontairement employé le terme ‘’rapport appris’’ en opposition à celui de ‘’rapport forcé’’ car notre méthode est plus fondée sur l’enseignement positif du rapport que sur la contrainte physique destinée à faire rapporter de force.
En effet, contrairement à la méthode qui consiste à présenter un apportable devant la gueule de son chien et à l’obliger à ouvrir celle-ci pour le prendre, nous allons d’abord apprendre à notre élève à porter l’apportable puis le conditionner progres-sivement à le prendre de lui-même. Cette distinction est très importante car elle permet d’éviter un affrontement entre le dresseur et son chien qui laisse toujours des traces.
En effet, certains chiens supportent très mal de céder et garderont un mauvais souvenir de cet épisode de dressage. Cela se traduira souvent par de la rancune et un manque d’enthousiasme dans leurs parcours qui seront moins brillants que par le passé. C’est souvent parce qu’ils transforment ce dressage en une épreuve de force que quelques personnes déconseillent ce dressage sur les jeunes chiens.
Certains préconisent même de ne pas l’entreprendre avant l’âge de 3 ans…A une certaine époque, Max Carli avait vivement réagi contre cette désinformation qui, à part le plaisir personnel de leurs auteurs de noircir du papier, n’avait aucun fondement. Par contre, il est certain que pour bien conduire cet enseignement méthodique et le mener à son terme, il faut faire preuve de patience mais aussi de détermination.
René Piat disait qu’un chien mis au rapport est un chien aux trois-quarts dressé et il avait bien raison. René était à l’époque le doyen des dresseurs et ce à 2 titres : il était le plus âgé des présentateurs (un CACIT en automne à Beaumont le Roger le jour de ses 80 printemps) et exerçait aussi ce métier depuis pas loin de 60 ans. Trois coupes d’Europe de grande quête à son actif !
Vécu
Un jour que René et Thérèse son épouse dînaient chez moi, je remarquais que depuis le début de la soirée René ne quittait pas des yeux une aquarelle représentant Or del Ceccina à l’arrêt. Or a été l’un des plus grands pointers de grande quête de tous les temps : son galop arrachait littéralement la terre et ses arrêts faisaient voler la poussière… Il ne coulait jamais et quand il s’immobi-lisait, les perdreaux volaient à l’arrivée de son dresseur.
C’était alors souvent le CACIT ! Si Or prenait bien son vent tout de suite, s’élançait sur le côté et s’il prenait un point, il devenait presque imbattable mais s’il partait droit devant lui, on risquait de ne plus le revoir du parcours… Ce petit défaut était pourtant le signe d’excellentes méthodes de dressage mais avec un sujet certainement très nerveux… Un véritable pur-sang. Drivé par un prestigieux conducteur, Giachino, il remporta 14 CACIT, 29 CAC, et fut classé 30 fois excellent…
Intrigué de cet intérêt insistant pour ce tableau placé juste en face de lui et de cette impression d’être ailleurs qu’il me donnait, je lui demandais s’il reconnaissait ce chien. « Si je le reconnais ! C’est Or. Il a volé une Coupe de France de Grande Quête à l’une de mes setters ! Alors je ne risque pas de l’oublier ! » s’empressa de répondre René.
Effectivement il me raconta comment, il y a pas mal d’années déjà, on lui avait remis tout à fait officiellement la coupe de France de Grande Quête avant de venir la lui reprendre un quart d’heure plus tard pour la donner à Or en prétextant une erreur lors des résultats du barrage. René était un gagneur… Et même après de nombreuses années, le goût amer d’une défaite imméritée et injuste lui restait dans la bouche.
A mes tous débuts de présentateur, René, sachant que je m’intéressais au métier de dresseur, m’avait proposé de l’accom-pagner en plaine… Ce sont des gestes que l’on n’oublie pas, même si à l’époque, je n’étais pas vraiment en mesure de comprendre et d’apprécier ses méthodes et sa conception de dressage. Sans doute ai-je aussi été trop impatient de voler de mes propres ailes et ai-je écourté trop vite cette initiation…
Avec René Piat, les commentaires sont peu nombreux…Il faut bien regarder et réfléchir : tout à un sens… Celui qui ne parle pas pour ne rien dire a la même attitude dans l’action car il ne fait rien sans avoir de bonnes raisons de le faire. René Piat a été initié au dressage par son beau-père qui n’était autre que Fernand Herbelin, le fils d’Emile Herbelin qui a été certainement le premier dresseur professionnel français.
Emile Herbelin a créé en 1905 l’association des dresseurs professionnels, son fils, Fernand lui a succédé comme président, puis Michel et enfin Jean-Claude Piat, lui-même Herbelin par sa mère. Pionnier du dressage, Emile Herbelin avait pourtant déjà tout compris, tout inventé et René Piat a su tirer le meilleur parti des leçons de tels maîtres.
Le petit monde des dresseurs est longtemps resté fermé, presqu’une affaire de ‘’famille ‘’. Aujourd’hui, il y a beaucoup de dresseurs et Jean-Claude Piat a ouvert toutes les portes de l’association mais chacun doit être le pionnier qu’a été Emile Herbelin s’il veut réussir et tout particulièrement en grande quête…
Si Guy Morin et Gino Botto étaient de grands dresseurs au génie intuitif, René Piat fut surement celui qui maitrisait le mieux, techniquement parlant, le dressage du chien de grande quête et ce n’est pas sans raison que certains disent de lui qu’il était le plus malin des dresseurs ! Aujourd’hui, certains professionnels croient avoir tout inventé et sont persuadés qu’ils sont bien meilleurs que leurs prédécesseurs dont ils disent qu’ils sont de la « vieille école » mais ils ne doivent pas oublier que certains d’entre eux auraient pu encore leur en apprendre bien plus qu’ils ne peuvent imaginer…
Eux aussi ont été jeunes, ambitieux et à leur époque, ils n’auraient peut-être pas été aussi facile que cela de les battre…Grâce au rapport, votre chien apprend à rester « assis » ou au « down » avant l’ordre de rapporter ; il apprend ensuite à se diriger dans une direction donnée et enfin à revenir vers son dresseur pour lui remettre l’oiseau. Finalement, le rapport réunit les 3 actions primaires en un seul commandement et effectivement, comme le souligne René Piat, son dressage est déjà de ce fait bien avancé.
Beaucoup de dresseurs se sont fait une spécialité de cet enseignement. Tous les jeunes chiens qui leur sont confiés passent systématiquement leur premier mois à apprendre le rapport. Une fois ce dressage acquis (le fameux mois de technique dont parle très souvent Patrick Teulières) et pas avant, ils commencent l’éducation dans les champs, certains de l’assouplissement parfait de leurs élèves. Pour ces dresseurs réputés, il n’existe pas de chiens impossibles à mettre au rapport : amenez-leur un dalmatien et ils vous le dresseront au bouton sur tout gibier comme s’il était né pour effectuer ce travail !
Personnellement, je n’utilise cette chronologie qu’avec des sujets très durs de caractère et donc particulièrement difficiles à dresser. Non seulement vous parvenez à les assouplir mais vous leur démontrez par la même occasion l’utilité du dressage et de l’obéissance en leur apprenant, près de vous, quelque chose de concret : le rapport. Nous vous conseillons vivement de vous servir d’une table de dressage.
Cette installation évite que votre élève ne se disperse et ne cherche à échapper à la leçon. En effet, perché sur la table, il n’a pas d’autre possibilité que de s’y intéresser et ne peut éviter l’apportable. L’autre avantage tient au confort du travail, ce qui n’est pas à négliger quand vous entreprenez ce dressage (le mal de dos est le principal ennemi du dresseur au rapport, surtout quand il doit travailler 2 ou 3 fois par jour une quinzaine de chiens).
Avant de rentrer dans le vif du sujet, vous devez savoir que ce travail va durer environ 1 mois ; que vous pouvez donner autant de leçons que vous le souhaitez dans une journée à condition qu’elles soient très courtes : 5 à 10 minutes sont suffisantes pour ne pas saturer votre élève. L’idéal est d’adopter le rythme de croisière de 2 ou 3 leçons par jour. N’hésitez pas non plus à donner 1 ou 2 jours de repos et de réflexion quand vous venez de franchir un cap difficile ou délicat.
Premier ordre : porte
Passons aux choses sérieuses avec l’apprentissage du « Porte ».
Votre chien est sur la table. Vous avez pris soin de l’attacher à l’un des deux piquets situés aux deux extrémités de votre plan de travail, de façon à ce qu’il ne puisse pas en descendre et de pouvoir disposer de vos deux mains.
Mettez l’apportable dans sa gueule et maintenez la fermée en répétant : « PORTE ».
Au bout de quelques leçons, votre chien va accepter de le garder quelques secondes surtout si au commandement « DONNE », vous lui glissez une friandise à la place de l’apportable.
Allez y progressivement
Au fur et à mesure que vous allez allonger ce temps avant de commander « DONNE », votre chien ne manquera pas de laisser tomber l’apportable. Pincez-lui alors l’intérieur de l’oreille pour provoquer un désagrément et remettez-lui aussitôt l’apportable dans la gueule en commandant « PORTE ». Commandez « PORTE » tout le temps qu’il tient l’apportable.
Quand il le laisse tomber, pressez-vous de lui pincer l’oreille mais prenez votre temps pour lui remettre l’apportable dans la gueule, votre chien doit bien ressentir qu’il est plus agréable de le porter que de le lâcher. Vous allez d’ailleurs remarquer assez vite que votre chien tient son apportable de plus en plus fermement. Pensez aussi à lui commander régulièrement « DONNE » car il faut bien qu’il accepte de vous le donner à l’ordre.
Maintenant que votre chien a bien compris le commandement « PORTE », vous pouvez lui donner plus de liberté et lui apprendre à marcher d’un bout à l’autre de la table en portant l’apportable. C’est le bon moment pour commencer à utiliser toutes sortes d’objets et de les lui faire porter : une botte, un petit sac de sable et différents gibiers qu’il sera amené à rapporter par la suite : une caille, un perdreau, un pigeon, un canard, un faisan et éventuellement un lapin si bien sûr vous comptez le laisser les chasser plus tard.
Ces exercices ne sont pas du temps perdu car votre chien va apprendre ainsi à les charger correctement. Une excellente transition consiste à lui présenter des oiseaux congelés qui présenteront la même consistance que l’apportable pour finalement lui faire porter du gibier fraichement tué.
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