Essentiellement statique, collective, organisée, rigoureusement encadrée, elle en est devenue relativement astreignante, et peut-être même aliénante. En outre, ses facettes guerrières, voir ostentatoires, ne jouent pas forcément pour nous.
A contrario, celle du petit gibier sédentaire peut se pratiquer de manière individuelle et avec une grande liberté d’action. Elle est d’autre part sportive, discrète et permet d’être accompagné d’un chien. Ce dernier point est extrêmement important car son travail procure souvent l’essentiel de notre plaisir. Elle reste donc malgré tout et pour beaucoup d’entre nous, l’archétype de la chasse-loisir.
Forte de ces nombreux atouts, elle figure en bonne place pour freiner l’érosion dans les rangs des chasseurs et représente toujours la meilleure opportunité pour en drainer de nouveaux. Cependant, on imagine mal comment elle pourrait perdurer sans un véritable rétablissement des populations de petit gibier sauvage.
Dans la perspective de l’interdiction des lâchers de tir et d’une réorientation vers une chasse moins artificielle (qui par définition, ne devrait pas l’être du tout d’ailleurs) se pose l’importante question d’une « reconquête de la biodiversité ».
Car il est désormais admis qu’un repeuplement en petit gibier ne peut s’envisager tant que les territoires n’auront pas retrouvé leur qualité d’accueil nécessaire. Le modèle d’agriculture intensive de ces dernières décennies a eu des effets très négatifs sur les espaces naturels, et seule une réorientation vers des modèles plus vertueux permettra une restauration progressive des milieux.
Cela n’est possible qu’avec une forte volonté politique tout en assurant les différents acteurs d’y trouver leur compte. Nos agriculteurs ont besoin d’être encouragés dans cette autre voie par une reconnaissance et une juste rétribution de leur travail.
Dans cette optique, un certain nombre d’évolutions nous donnent de bonnes raisons d’espérer. Parmi les principales, on peut citer :
- Le souci d’une PAC de plus en plus verte.
- La percée croissante d’associations agricoles engagées dans des boucles vertueuses.
- Des initiatives individuelles exemplaires de plus en plus nombreuses.
- Les nouvelles attentes de la société qui convergent en ce sens.
- L’installation de jeunes agriculteurs plus sensibilisés que leurs aînés aux thématiques environnementales.
- Le programme « Agrifaune » et autres initiatives similaires.
Des aides pleuvant de tous azimuts encouragent aussi depuis quelque temps : la réalisation de talus, de bandes enherbées, des plantations de haies, la création ou la restauration de mares, la restauration des zones humides, des chemins ruraux, des milieux forestiers, etc. On pourrait, on devrait s’en réjouir.
Pourtant comment ne pas s’interroger quand des arrachages de haies se poursuivent, souvent impunément ou sans compensation; que des trous d’eau, des talus, continuent de disparaitre çà et là… N’est-ce pas « placer la charrue devant les bœufs » que de proposer des aides pour faire l’exact contraire de ce qui était fait hier et qui dure encore aujourd’hui ? Comment imaginer qu’il soit possible de se renier en si peu de temps ? De plus beaucoup préfèrent décliner ces incitations financières et exécuter par eux même ce qui les arrange à court terme.
Alors l’urgence n’est-elle pas de sauvegarder ce qui peut l’être encore ? Puis de préparer les esprits à des changements majeurs et durables ?Certes la société semble prête pour une restauration de la biodiversité ordinaire, mais il est moins sûr que le monde agricole tenu par des impératifs productivistes le soit tout autant. Pour espérer des changements tangibles, la rétribution des agriculteurs devra être suffisamment attractive, à la hauteur des services rendus et perçue comme une action positive et reconnue de leur métier.
Notons toutefois que d’un secteur géographique à un autre, sont apparues de fortes divergences de points de vue. Certains ont déjà franchi le pas alors que d’autres ne cachent pas leur hostilité à ces évolutions. Il faudra sans doute encore beaucoup de temps et d’opiniâtreté pour convaincre les principaux acteurs de la chaîne : agriculteurs, propriétaires, chasseurs, collectivités, de s’accorder sur une vision commune.
C’est la condition « sine qua non » à ce chantier d’envergure. Néanmoins la période que nous traversons n’a jamais été aussi propice à une telle transition agricole. Ne laissons pas passer cette chance car à ne pas y prendre garde, « la chasse devant soi » pourrait rester… derrière nous.