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L’emploi d’une race plutôt qu’une autre sera différent selon le mode de chasse pratiqué et il y a lieu de faire la distinction entre la chasse à courre et à tir. Sur des territoires exigus, l’utilisation de chiens d’arrêt est pratiquement devenue une obligation mais il est généralement admis que la belle chasse du lièvre se pratique aux chiens courants.
Chasse à courre, quelles qualités ?
La chasse à courre, à cor et à cris, ou vénerie (petite vénerie pour le lièvre), est l’un des modes les plus anciens. Elle se pratique généralement à pied et demande de grandes qualités au niveau des chiens ainsi qu’une excellente forme physique pour les piqueurs. Le courre du lièvre n’appartient pas au passé puisqu’il existe actuellement près de 130 petits équipages qui pratiquent dans les règles de l’art et continuent d’honorer une tradition dans un contexte difficile.
Passion et courage sont indispensables pour faire face de plus en plus souvent à l’incompréhension et à la méconnaissance ou à de l’information erronée. A cela s’ajoutent le morcellement des territoires, une prolifération du grand gibier et souvent une absence de gestion de cet animal emblématique qu’est le lièvre car trop difficile. Le courre du lièvre est un exercice particulièrement délicat et extrêmement formateur.
Nombreux sont les veneurs qui sont passés par là avant de rejoindre la grande vénerie, sachant bien qu’il n’y a pas de meilleure école. Le lièvre peut être très naïf devant un fusil, au point de s’y diriger droit dessus car il voit par les côtés. Mais devant les chiens, il emploie une multitude de ruses qui sont en réalité des comportements instinctifs naturels. Tout le monde s’accorde à dire que le courre du lièvre est un exercice extrêmement difficile, un art véritable pour peu qu’il soit pratiqué dans le respect des règles.
« Le courre du lièvre est un des plus savants et des plus difficiles, non seulement à cause des ruses très compliquées de l’animal de chasse mais surtout parce que sa voie est d’une grande légèreté. » En écrivant ces lignes, M. Hublot du Rivault ne faisait que rappeler des propos tenus par des grands noms de la vénerie comme M. Du Fouilloux ou M. Le Couteulx de Canteleu.
Quels chiens pour chasser le lièvre à courre ?
Les veneurs de lièvres ont presque tous adopté l’Anglo Français de Petite Vénerie dont la taille se situe entre 48 et 56 cm. Créée pour courir le lièvre, la race privilégie l’efficacité : il fallait un chien alliant le nez et la vitesse ainsi que l’intelligence et l’instinct de meute, d’un modèle pas trop grand de taille. Ce n’est qu’en 1987 qu’a été officiellement reconnu le club de l’Anglo Français de Petite Vénerie. Alors que pendant longtemps s’était exercée la tendance à dénommer « anglo » beaucoup de sujets à l’origine douteuse, l’élevage est désormais bien cadré. Ce n’est pas le fruit du hasard si la plupart des équipages utilisent le petit Anglo.
D’autres races possèdent les aptitudes requises pour courir le lièvre mais leur utilisation est plus discrète ou s’est effacée au fil des ans. Il faut remonter à des temps plus anciens pour rencontrer des races qui sont aujourd’hui presque exclusivement employée à tir. C’est le cas par exemple de l’ancien chien d’Artois qui eut ses heures de gloire.
Le Beagle Harrier était à l’origine un fameux chien de lièvres dans les mains de son créateur, le baron Gérard, qui chassait dans les Landes avec son célèbre équipage « de Castillon d’Arengosse ». Il prenait chaque année plus de 80 lièvres à courre dont une trentaine en Normandie. D’autres races de courants pourraient être utilisées et ne le sont actuellement que très discrètement : les bleus de Gascogne, griffons bleus, Beagles et Harriers, chiens courants suisses, Porcelaines, Ariégeois et différents briquets.
Tous se retrouvent en grand nombre sur le terrain de la chasse à tir et beaucoup dans la voie du grand gibier. En parenthèse, il faut citer le cas des bassets dont certains avaient été sélectionnés pour le courre du lièvre. C’est le cas du Grand Basset Griffon Vendéen, de l’Artésien Normand et du Basset Hound, malheureusement bien incapables de forcer un lièvre aujourd’hui.
A tir : la chasse de nos campagnes
Le chasseur à tir peut utiliser un plus large éventail de races car il n‘a pas les mêmes impératifs que le veneur. Il n’est plus nécessaire d’avoir des chiens vites puisqu’il ne s’agit plus de prendre mais avant tout de débusquer un lièvre dans le but de l’abattre au fusil. Quête et rapprocher deviennent alors des phases essentielles de la chasse et la finesse de nez une qualité fondamentale. Car « faire la matinée » ou débrouiller la nuit d’un lièvre n’est pas simple.
Il faut savoir rapprocher avec application en remontant la voie et en prenant des initiatives avec l’objectif de lancer. Certains chiens restent collés sur un pacage de nuit pendant des heures sans pouvoir en sortir. S’ils arrivent à émouvoir par leurs récris généralement abondants, le résultat escompté est toujours compromis. Trouver l’alternative entre celui qui bricole et celui qui est trop fougueux n’est pas facile.
Car un chien trop emporté ne peut pas sérieusement suivre une piste aussi légère et la plupart du temps il finit par la perdre. Une fois lancé, le lièvre doit être maintenu un minimum de temps et au moins assez longtemps pour l’amener à passer devant le chasseur posté. Toutes les qualités et les défauts se retrouvent chez tous les chiens courants et s’il existait une seule race n’ayant que des qualités, cela se saurait ! Cependant certains caractères sont plus ou moins inhérents à la race.
C’est ainsi que des sélections ont été faites dans des buts bien précis. Concernant la chasse du lièvre, certaines races de courants sont désormais davantage reconnues que d’autres et ont fait leur preuve sur le terrain. Actuellement au niveau de l’utilisation, le numéro 1 est incontestablement notre bon vieux chien de pays, sélectionné par les chasseurs de lièvres dans leur région. En effet les gens du terroir ne sont pas forcément tournés vers un côté officiel dans lequel ils ont parfois du mal à se reconnaître et dont l’accès est trop onéreux pour beaucoup.
Façon « laisser courre »
Il est un mode de chasse relativement récent dont il faut parler et qu’il faut honorer car il est respectueux à la fois des chiens et du lièvre. Les « chasseurs de bâtons » dont l’origine est le Sud-Ouest, pratiquent une forme de chasse intermédiaire, un art qui pourrait être de la chasse à tir sans fusil et dont le but est le plaisir de conduire et d’observer la meute en action, relever les défauts et maintenir l’animal de chasse le plus longtemps possible.
Suite à la pénurie de lièvres sur pas mal de secteurs alors que c’était le gibier traditionnel, quelques amateurs ont alors entrepris de le chasser sans arme. Au début il s’agissait de faire remonter les populations mais, depuis, ils se sont pris au jeu et ont fait des adeptes de sorte que, même en période de tir autorisé, ces passionnés ont définitivement laissé le fusil au râtelier.
Ce comportement allait de pair avec le développement de la FACCC (Fédération des Associations des Chasseurs au Chien Courant) qui en a largement encouragé la pratique par l’intermédiaire de nombreux concours de meutes, développant du même coup l’esprit sportif et l’utilisation des chiens courants. Des progrès stupéfiants ont pu être constatés dans l’art et la manière de chasser, non seulement des chiens mais aussi des maîtres, de sorte que l’on trouve aujourd’hui des équipages de très haute tenue.
Ruses de lièvres
Il n’y a pas de meilleure façon pour affiner et développer les qualités des chiens que d’observer le comportement de l’animal en cours de chasse. La meilleure connaissance s’acquiert ici par la pratique. M. Hublot du Rivault disait : « le courre du lièvre est un des plus savants et des plus difficiles, non seulement à cause des ruses très compliquées de l’animal de chasse…mais surtout parce que sa voie est d’une grande légèreté. »
Une promenade, le matin, par une bonne neige tombée l’avant-veille, s’avère aussi très instructive, il n’y a guère de meilleur livre et aussi passionnant à lire. Chassé, un rouquin pousse sa pointe de vitesse au départ, espérant ainsi semer ses poursuivants. Mais il ne va pas toujours percer de l’avant car il serait bientôt à bout de force. Il fait alors un ou plusieurs crochets ou un retour pour doubler ses voies.
Ce stratagème est un comportement typique et met souvent les chiens en défaut. Le hourvari est une sorte de double, l’animal revenant sur ses pas, souvent à un carrefour de route ou de chemin. Il s’agit alors pour la meute et son piqueux de travailler le défaut avec le plus de diligence possible, sachant que la voie se refroidit. Le rusé peut aussi se raser, laisser passer chiens et chasseurs sans broncher et partir en retour.
Pour tenter d’empoisonner l’odeur de ses pas, il n’hésite pas à traverser un troupeau de vaches ou de moutons ou à venir y buter pour repartir en sens inverse ou par les côtés. Il arrive qu’il se dérobe de très loin, donnant alors l’impression d’un lancer alors qu’il est déjà bien loin, ce qui occasionne une chasse en forlonger toujours hypothétique. D’autres fois, il ne partira qu’au dernier moment et il faudra quasiment lui marcher dessus pour qu’il gicle. Mais il est surtout un génie du camouflage.
Rasé au beau milieu d’un champ ou d’un pré, dans une haie ou un labour, il se transforme en motte de terre, prenant la couleur de la terre ou du feuillage ou devient souche au milieu du fossé. Le seul cas où il perd un peu de sa méfiance, c’est au moment du rut. Le bouquinage donne lieu à des courses endiablées et à des sarabandes sans fin. Les nuits sont insouciantes, mais très vite, la raison reviendra et le capucin se fondra à nouveau dans l’environnement, mystérieusement…
Des qualités hors du commun
Outre les qualités d’ordre général concernant les chiens courants, les chiens de vénerie, dont la tâche est de forcer l’animal, doivent posséder toutes les aptitudes nécessaires afin de pouvoir y parvenir. Ces facultés atteignent le plus haut degré avec un gibier comme le lièvre dont la voie est fine et fugace et le comportement parfois mystérieux.
Un petit équipage approprié se doit d’avoir de bons chiens, c’est-à-dire très fins de nez et ne commettant pas de fautes graves : éviter les bavards, les céleurs et ceux qui chassent sur les côtés ou qui font le contre. Il faut ensuite que ces chiens soient de même pied, ce qui n’est pas toujours évident, qu’ils ne soient pas trop grands et qu’ils soient bien conduits et soumis à l’homme, c’est-à-dire aux ordres.
Actuellement, l’abondance de grand gibier demande à être créancé ou en tout cas au moins de change, afin de ne pas bondir au premier chevreuil croisé. Le chien de change comprend qu’il ne doit chasser que le seul animal attaqué par la meute, faute de quoi c’est l’échec assuré. Certains critères touchent des qualités acquises individuellement, souvent par une grande pratique, le métier, comme on dit !
Il existe des sujets qui chassent « d’amitié » : point n’est besoin de leur apprendre à relever un défaut, ils le font seuls. Heureux le veneur qui possède le fameux chien de chemin. S’il en existe un dans l’équipage, il faut en tirer race et en vertu de la grande et hypothétique loi de la génétique, il y aura peut-être dans la descendance quelque sujet qui aura hérité de cette précieuse qualité.
Quelles races pour chasser le lièvre à tir ?
En théorie, tous les chiens courants peuvent être utilisés pour chasser le lièvre les Nivernais, les briquets et les Grands Vendéens, Fauves de Bretagne ou Saint Hubert. Ce sont les races dites « moyennes » qui sont le plus employées au lièvre, le numéro un étant l’Anglo Français de Petite Vénerie, toutes chasses confondues (avec la vénerie).
De nombreux chasseurs utilisent les chiens dits « du Midi » en raison de leur nez reconnu comme l’un des plus fins : Ariégeois, Bleus de Gascogne et Gascons Saintongeois. Les chiens courants suisses offrent une diversité également très appréciée même si, à l’origine, ils étaient plutôt élevés dans leur pays d’origine pour chasser tous les gibiers en solo ou en paire et en montagne. Actuellement il existe d’excellents lots de Brunos du Jura créancés sur lièvres.
Les amateurs de Porcelaines sont nombreux à se servir de la race qui était à l’origine destinée au rouquin. Les équipages de Beagles, Beagles Harrier et Harriers ne manquent pas et ont leurs fervents partisans. Une mention tout à fait spéciale est à faire concernant le chien d’Artois qui avait pourtant presque disparu.
Voici ce qu’écrivait un maître de la vénerie française, le comte Le Couteulx de Canteleu, dans les années 1890 : « elle (la race artésienne) est encore l’une des meilleures pour la chasse du lièvre et elle est digne de l’attention des veneurs qui ne peuvent mieux faire que de prendre des chiens de cette race pour cette chasse… c’est le chien des petits équipages et la base des meutes pour le lièvre. »
C’est un grand plaisir de revoir aujourd’hui des Artois au lièvre. Nos proches voisins ont aussi leur race phare : le Segugio italien et le sabueso espagnol. Quant aux Anglais, ils ont eu longtemps le courre du lièvre comme sport national avec de grosses meutes de bassets.